Comment mesurer la qualité de sa méditation? Ceci est intéressant à aborder car il arrive que l'on entretienne des doutes ou que l'on perde courage si on ne constate pas de résultat immédiat dans sa pratique. Il faut savoir que le sentier est balisé et comporte 9 étapes qui ont été décrites au moyen d'un dessin symbolique, ce que le cerveau droit peu comprendre et appréhender facilement.
Dans cette peinture, le moine représente le méditant, et l’éléphant représente l’esprit que l’on cherche à apprivoiser. Il rencontre des obstacles que sont le singe (c'est-à-dire l'agitation mentale) et la noirceur de l'éléphant, qui représente l'opacité mentale. Les moyens à disposition du méditant sont la hachette, tenue dans la main droite du moine et une corde à crochet tenue dans sa main gauche. Par sa vivacité, sa nature incisive, la hachette est la représentation symbolique de l’attention. La corde à crochet symbolise le "rappel" qui permet au méditant de revenir à l’état d’attention par des rappels constamment répétés.
Le feu qui décroît au fur et à mesure des étapes exprime l'énergie que le méditant doit dépenser pour soutenir sa méditation.
Voici une explication de ce chemin de méditation donné par Lama Denys, un moine français de la tradition Kagyupa du bouddhisme tibétain.
1. À la première station, le moine et l’éléphant sont loin l’un de l’autre. L’esprit-éléphant galope, suivant le fil de ses pensées. C’est le singe de l’agitation qui mène la danse. C’est une situation de haute énergie, de haute tension. Les obstacles sont à leur maximum : tout est noir. La distance qui sépare le méditant et son esprit est grande. La force de l’écoute l’a informé des enseignements : il les applique pour la première fois, essayant maladroitement de diriger la hachette de l’attention vers l’esprit qui galope loin devant.
2. Le deuxième virage correspond à l’intervention de la force de la pensée. À la deuxième station, le méditant se rapproche de l’éléphant, qui est passé du galop au trot. Le singe mène toujours l’esprit mais le rythme s’est ralenti. L’opacité décroît ; à partir de maintenant, l’apparition progressive du blanc sur la tête exprime l’accroissement de la lucidité pour l’éléphant et du repos pour le singe. Sur les côtés du chemin, trois petits fruits, une écharpe, les cymbales, une conque et un miroir symbolisent les objets sensoriels, sources d’agitation et de distraction. Il y a un peu moins de feu ; la situation demande moins d’énergie, entraîne moins de tension.
3. À la troisième station, le méditant ne court plus vraiment après son esprit : ils se font maintenant face. Le singe est toujours en avant mais il n’entraîne plus l’éléphant. Pour la première fois, le méditant utilise ses facultés de rappel pour établir un lien direct et continu avec son esprit, ce qui met en évidence une forme subtile de torpeur, ignorée jusqu’alors : elle est symbolisée par le lapin. L’opacité décroît encore, la couleur blanche se propage.
4. L’expérience de la phase précédente se précise : le méditant se rapproche encore de l’éléphant. La progression de la couleur blanche du singe, de l’éléphant et du lapin s’intensifie. La scène est plus calme.
5. La situation se renverse. Le méditant en est maintenant le maître. Il guide l’éléphant par un usage continu de son attention et de ses capacités de rappel. Le singe est maintenant derrière. Le lapin est toujours là. Les éléments de la scène gagnent en transparence. Sur le côté du sentier, un singe blanc jouit des bons fruits résultant d’un esprit engagé dans de vertueuses activités. Ces actions, positives dans la vie quotidienne, sont pourtant des distractions durant la pratique de Shamatha, c’est pourquoi l’arbre est noir et à l’écart du sentier.
6. La progression est plus aisée ; le méditant dirige bien sa méditation, même lorsqu’il n’y applique pas son attention ; le lien du rappel reste attaché à l’éléphant. Le lapin est parti ; la situation se clarifie.
7. La scène est devenue très paisible et transparente. La marche n’a plus à être dirigée. Il n’y a presque plus d’opacité ni d’agitation ; le méditant reste au repos, sans qu’il ne lui soit nécessaire de faire usage intentionnellement d’attention ou de rappel. Quelques taches noires signalent encore quelques points délicats, un peu d’opacité ou d’agitation subtiles, mais elles sont immédiatement abandonnées avec un effort minime.
8. L’éléphant marche docilement avec le méditant ; il n’y a pratiquement plus de noir et la flamme de l’effort a disparu. La méditation est devenue naturelle et continue.
9. À ce dernier stade, l’esprit et le méditant sont tous deux au repos complet. Ce sont maintenant de vieux compagnons, habitués à rester en paix ensemble.
Les obstacles de la méditation ont disparu. Shamatha est atteint. Le méditant peut alors avoir ces expériences de ravissement ou de profond bonheur, représentés symboliquement par le moine volant ou transporté à dos d’éléphant.
Le dernier tableau fait allusion à la pratique conjointe du repos de l’esprit (Shamatha) et de la vision profonde (Vipashyana). La démarche se renverse et le méditant “chevauche” maintenant son esprit. Il y a un renouveau d’activité. Le méditant cherche à reconnaître le jeu de cet esprit désormais calme et transparent. Il brandit l’épée de prajña, l’épée flamboyante de la connaissance immédiate, et tranche deux faisceaux noirs qui émanent de son cœur. Ils représentent le voile des passions et le voile de la dualité. Une fois dissipées, ces enveloppes qui voilaient la pureté de l’esprit, il réalisera la vacuité fondamentale, la plénitude du pur esprit, l’état de bouddha.
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