On demanda un jour à un sage, comment il faisait pour être heureux. Il répondit : « Quand je me lève, je me lève. Quand je marche, je marche. Quand je suis assis, je suis assis. Quand je mange, je mange. Quand je parle, je parle. »
Les gens l’interrompirent en lui disant : « Nous faisons de même, mais que fais-tu de plus?»
– « Quand je me lève, je me lève. Quand je marche, je marche. Quand je suis assis, je suis assis. Quand je mange, je mange. Quand je parle, je parle. »
Les gens lui dirent encore une fois : « C’est ce que nous faisons aussi ! »
– « Non, leur répondit-il. Quand vous êtes assis, vous vous levez déjà. Quand vous vous levez, vous courez déjà. Quand vous courez, vous êtes déjà au but ! »
Ainsi nous serions habitués à être dans le passé ou dans le futur la majeure partie du temps. Est-ce que j’ai bien fermé à clef, j’ai bien aimé notre soirée ce weekend, qu’est-ce que je vais faire à manger ce soir, où pourrions-nous passer les prochaines vacances, je dois planifier ce projet pour le mois prochain. Je m’ennuie, j’aimerais être ailleurs...
Nous vivons dans un rêve
Notre mental possède une faculté extraordinaire de se servir du passé pour apprendre de ses erreurs ou imaginer le futur pour anticiper ses actions. Mais n’avons-nous pas tendance à abuser de cet outil plus que de raison. Le risque serait de vivre une bonne partie de notre vie dans une sorte de rêve. Entre nos souvenirs et nos projets. Car objectivement ces deux aspects de la temporalité n’existent pas. En effet ce qui vient de passer est définitivement hors d’atteinte.
Nous ne pouvons absolument pas y changer quoi que ce soit. Nous ne pouvons que constater et accepter ce qui vient de se passer. Toute possibilité d’accès ne peut se faire que dans le souvenir. Le futur quant à lui est une projection, il n’existe pas encore et toutes nos certitudes concernant les évènements à venir ne sont que des suppositions, des projections remplies de probabilités.
Si absorbé dans nos pensées nous déambulons dans la rue, le prochain réverbère risque de nous réveiller brutalement. Il y a donc un intérêt à être là et non ailleurs pour notre esprit. Notre corps lui l’est toujours, c’est vital pour lui, il a besoin de respirer, marcher, tenir en équilibre. Mais pour notre mental c’est moins évident, car dire « il faut être ici et maintenant » c’est bien, mais comment savoir quand nous y sommes vraiment ? Est-ce être ni dans le passé, ni dans le futur ?
Le présent existe-t-il ?
Être présent, c’est se centrer dans ce qui se passe d’instant en instant, ne pas saisir. C’est-à-dire rester hors des concepts. Se contenter d’attraper ce que nous envoient nos sens sans chercher à interpréter, accueillir simplement, sans analyser. Percevoir avant les mots car ces derniers ne sauraient retranscrire complètement la réalité. Voyez comme nous pouvons rester sans voix face à une expérience intense ou avoir du mal à traduire ce que nous ressentons parfois. Les concepts ternissent d’une certaine façon la réalité en l’enfermant dans une sorte de rigidité immuable. Ce qui se passe est changeant d’instant en instant, et le temps de penser les mots ou formuler la phrase pour décrire ce qui vient de se passer nous avons perdu le fil un court instant. Saisir ce qui se passe ressemble en fait à la brasse coulée. Je suis là en surface, dès que je mets en mots, commence à organiser les données je perds le contact avec la réalité ne pouvant faire deux choses en même temps. Rester connecté au présent, c’est d’une certaine façon rester hors du temps. Les mystiques parlent de l’état contemplatif pour décrire ce mode de fonctionnement de la conscience. Le temps serait-il donc une illusion ?
Source: http://www.1pulsion.net/unspecial/12-05-UNSpecial.pdf
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